Le titre de ce volume n'a pas été choisi au hasard. Nous n'avons pas voulu étudier la Bible au Moyen Age en présentant seulement le travail des clercs et des moines, lecteurs et commentateurs des textes sacrés, mais nous voulons montrer comment au Moyen Age on a reçu, compris la Bible, quelle a été l'influence de l'Ecriture sainte sur l'enseignement, les institutions, les mentalités médiévales.
Vaste programme, projet ambitieux voire démesuré.
Depuis des travaux anciens en Allemagne et en France, des colloques sur la Bible médiévale ont été organisés en Italie, en Belgique, un volume collectif a vu le jour en Angleterre1• Mais beaucoup des études ont davantage été consacrées à l'établissement du texte biblique, aux manus- crits, aux traductions en langue vulgaire et surtout à l'exégèse2• Le renouveau d'intérêt pour l'histoire de la Bible au Moyen Age est certain comme en témoignent les innombrables articles et livres dont nous n'avons retenu que les principaux et les plus récents dans la Bibliographie qui termine le volume.
Certes, ce n'est pas dans la limite de ces pages que nous avons pu couvrir tout le champ d'un vaste programme. Nous avons demandé à quelques spécialistes français et étrangers, historiens, philologues, litur- gistes, historiens du droit et de l'art, etc., de donner un chapitre qui correspond à leurs propres recherches. Nous avons divisé l'ouvrage en

English Translation

The title of this volume was not chosen at random. We did not want to study the Bible in the Middle Ages by presenting only the work of clerics and monks, readers and commentators of the sacred texts, but we want to show how in the Middle Ages we received, understood the Bible, what was the influence of Holy Scripture on medieval teaching, institutions and mentalities.
Vast program, ambitious even disproportionate project.
Since early works in Germany and France, symposiums on the medieval Bible have been organized in Italy, in Belgium, a collective volume has seen the light of day in England1• But many of the studies have been devoted more to the establishment of the biblical text , to manuscripts, to vernacular translations and above all to exegesis. the principal and most recent in the Bibliography which ends the volume.
Admittedly, it is not within the limits of these pages that we have been able to cover the whole field of a vast program. We asked some French and foreign specialists, historians, philologists, liturgists, historians of law and art, etc., to give a chapter that corresponds to their own research. We have divided the work into

French

sections présentant d'abord le Livre puis son étude depuis le haut Moyen Age, ensuite en troisième lieu nous avons montré comment la Bible a influé sur le comportement et les institutions et comment les responsables de la pastorale ont utilisé la Bible, enfin la dernière section est consacrée à la place de la Bible vis-à-vis des nouveaux problèmes de la Chrétienté.
Il est certain qu'au moment où débute le Moyen Age, la Bible connaît déjà une longue histoire. Le volume consacré à la patristique latine qui paraîtra par la suite sera une introduction à notre ouvrage. En accord avec ceux qui nous précèdent dans le temps nous avons choisi le vue siècle comme date de départ. C'est en effet à cette époque que l'Occident commence à prendre son visage médiéval. C'est en effet alors qu'appa- raissent dans bien des domaines les traits constitutifs de cet Occident que l'on commence à appeler l'Europe. De nouvelles structures politiques, sociales, économiques, religieuses sont établies. Après la conversion des Anglo-Saxons, les Iles britanniques entrent dans la chrétienté qui commence à s'édifier. Les moines insulaires établissent des liens durables entre les Iles et le Continent. Alors que la Méditerranée n'est plus le centre de gravité de l'Occident, il faut maintenant regarder vers le nord pour voir s'établir une sorte de Méditerranée nordique, lieu d'échanges de produits, d'hommes, d'idées entre les pays riverains de la Manche et de la mer du Nord. Mais les différents auteurs des chapitres du volume ne se sont pas interdit de faire quelques incursions dans les périodes qui précèdent la nôtre, de même ceux qui traiteront de la Bible au xVIe siècle devront remonter vers la période médiévale.
L'histoire de la Bible est comme celle d'un long fleuve qui parcourt le temps et irrigue de façons variées les champs de chaque période. Les clercs, les moines et les laïcs y puisent chacun à leur façon dans la fidélité d'une tradition ecclésiale.
Si ce livre suscite d'autres études et fait progresser la recherche, notre but sera atteint.

English

sections first presenting the Book then its study since the early Middle Ages, then thirdly we showed how the Bible influenced behavior and institutions and how those responsible for pastoral care used the Bible, finally the last section is devoted to the place of the Bible vis-à-vis the new problems of Christianity.
It is certain that when the Middle Ages began, the Bible already had a long history. The volume devoted to Latin patristics which will appear later will be an introduction to our work. In agreement with those who precede us in time, we have chosen the seventh century as the starting date. It was indeed at this time that the West began to take on its medieval face. It was then that the constituent features of this West that we began to call Europe appeared in many areas. New political, social, economic and religious structures are established. After the conversion of the Anglo-Saxons, the British Isles enter into Christianity which begins to be built. Island monks establish lasting links between the Islands and the Continent. While the Mediterranean is no longer the center of gravity of the West, we must now look north to see the establishment of a sort of northern Mediterranean, a place of exchange of products, people, ideas between the countries bordering the English Channel and the North Sea. But the various authors of the chapters of the volume have not refrained from making a few incursions into the periods which precede ours, in the same way those who will deal with the Bible in the sixteenth century will have to go back to the medieval period.
The story of the Bible is like that of a long river that runs through time and irrigates the fields of each period in various ways. Clerics, monks and lay people draw from it each in their own way in the fidelity of an ecclesial tradition.
If this book stimulates further study and advances research, our goal will be achieved.

French 

Les noms de la Bible
En latin, les Livres saints, dont l'ensemble est à présent dénommé couramment la Bible, n'ont pas été désignés par un seul terme au Moyen Age.
Le mot grec Biblia, neutre pluriel désignant l'ensemble des livres qui constituent la Bible, a donné plusieurs mots latins, dont le curieux bibliotheca, si souvent utilisé. C'est surtout l'aspect matériel du volume qu'évoque au premier abord ce mot qui signifie« collection ou dépôt de livres» et a donné lieu à de nombreuses discussions1. Isidore de Séville, au vue siècle, dans ses Etymologies (VI, 3) l'utilise dans son explication de la remise en ordre de l'Ancien Testament : « Le scribe Esdras, dit-il, après l'exil et l'incendie des livres de la Loi par les Chaldéens, reconstitua, sous l'inspiration de l'Esprit divin, l'ensemble de l'Ancien Testament (bibliotheca Veteris Testamenti); une fois les Juifs rentrés à Jérusalem, Esdras corrigea les textes corrompus de la Loi, et constitua en vingt-deux livres l'ensemble de l'Ancien Testament, pour qu'il y eût autant de livres que de lettres de l'alphabet [hébreu]. » Que ces livres soient séparés ou reliés pour constituer l'Ancien Testament, le mot est ici compris comme désignant un tout, une unité2• L'explication d'Isidore

English

Bible Names
In Latin, the Holy Books, the whole of which is now commonly called the Bible, were not designated by a single term in the Middle Ages.
The Greek word Biblia, neutral plural designating all the books that make up the Bible, gave rise to several Latin words, including the curious bibliotheca, so often used. It is above all the material aspect of the volume that this word, which means “collection or deposit of books”, evokes at first glance and has given rise to numerous discussions1. Isidore of Seville, in the seventh century, in his Etymologies (VI, 3) uses it in his explanation of the reordering of the Old Testament: "The scribe Esdras, he says, after the exile and the fire books of the Law by the Chaldeans, reconstituted, under the inspiration of the divine Spirit, the whole of the Old Testament (bibliotheca Veteris Testamenti); once the Jews returned to Jerusalem, Esdras corrected the corrupt texts of the Law, and constituted in twenty-two books the whole of the Old Testament, so that there were as many books as letters of the alphabet [ Hebrew]. Whether these books are separated or bound to constitute the Old Testament, the word is understood here as designating a whole, a unity.2 Isidore's explanation